
Extrait du Communiqué n°10 – 27 septembre 2023 du
Comité International de Défense des Femmes Afganes
« Samedi 7 octobre , partout dans le monde, organisons piquets et rassemblements pour que l’asile soit accordés par les gouvernements européens aux militantes persécutées en Afganistan […]
Neda Parwani, l’une des combattantes du mouvement de protestation des femmes afghanes, a été arrêtée mardi 19 septembre 2023 à Kaboul. Les talibans ont arrêté Mme Neda Parwani avec son mari et son fils de 14 ans dans leur maison de Khairkhana, à Kaboul, et les ont transférés dans un lieu inconnu.
Neda Parvani se battait pour le droit à l’éducation, le droit au travail et la liberté des femmes. Les talibans répriment et menacent toujours les femmes qui protestent pour qu’elles se taisent et ne participent pas aux manifestations contre les talibans. Au cours des deux dernières années, le gouvernement taliban a arrêté, torturé et tué des centaines de femmes pendant les manifestations ou ensuite à leur domicile.
À l’heure actuelle, en Afghanistan, sous le régime des talibans, des centaines d’opposantes sont menacées et persécutées. Elles sont contraintes de poursuivre leur combat à huis clos et d’adopter un mode de vie difficile dans la clandestinité pour éviter d’être arrêtées et torturées par les talibans.
Le “Mouvement Spontané des Femmes Afghanes” condamne l’arrestation de Neda Parwani, de son mari et de son fils de 14 ans et exige leur libération immédiate et inconditionnelle. Nous demandons à la communauté internationale et aux grandes puissances d’accorder immédiatement l’asile aux femmes menacées et de faire pression sur les talibans pour qu’ils cessent de réprimer et d’emprisonner les femmes qui manifestent en Afghanistan.
Mouvement Spontané des Femmes Afghanes,
le 20 septembre 2023, Kaboul, Afghanistan
Article publié dans le N° 408 de La Tribune des Travailleurs (4/10/2023) :
Après l’arrestation de Neda Parwani le 19 septembre, le 27, les services de renseignement talibans ont arrêté Julia Parsi et son jeune fils à Kaboul. Julia Parsi est l’une des militantes des droits des femmes qui a lutté contre le régime misogyne des talibans et a fait entendre la voix des femmes qui protestent pour le droit à la liberté et à la vie. (…). Actuellement, des centaines de femmes sont portées disparues et personne ne sait ce qu’il est advenu d’elles : sont-elles détenues dans les prisons officielles ? Des prisons privées ? Ont-elles été tuées ?
Le Mouvement spontané des femmes afghanes condamne la détention et la torture des femmes manifestantes et exige la libération immédiate de Julia Parsi, Neda Parwani et des autres prisonnières ou « disparues ». Si la communauté internationale ne réagit pas, et si les femmes menacées par les talibans ne bénéficient pas d’une protection et d’un asile immédiats, nous assisterons bientôt à des arrestations généralisées et à une catastrophe.

Toutes et tous le 7 octobre pour la défense des femmes afghanes

Manifestation de femmes dans la province de Takhar le lundi 25 septembre, pour la libération de Neda Parwani/ Photo amu.tv
Rendez-vous
On lira dans cette page le témoignage de l’avocate Fleur Pollono, spécialiste du droit des étrangers.
Un témoignage qui met en évidence une réalité : les femmes afghanes, victimes du régime barbare des talibans, sont également victimes de l’odieuse politique du gouvernement français en matière de délivrance de visas et de droit d’asile.
Dématérialisation et externalisation des services des consulats qui multiplient les obstacles et empêchent les femmes de faire valoir leurs droits, délais d’attente interminables pour obtenir un rendez-vous, refus de réunification familiale… Autant d’entraves interdisant aux femmes afghanes de quitter leur pays, de la part d’un gouvernement qui prétend pourtant défendre leur cause.
Le 7 octobre, dans le monde entier comme dans tout le pays (à Paris, 14 h 30, place de la Bastille), nous nous rassemblerons pour exiger du gouvernement français qu’il facilite les démarches auprès des consulats, qu’il accueille et accorde le droit d’asile en France à toutes les femmes afghanes qui en font la demande.
Christel Keiser
« Il faut des mois pour obtenir un simple rendez-vous au consulat ! »
Entretien avec Fleur Pollono, avocate au barreau de Nantes, engagée dans la défense des étrangers
Peux-tu nous parler de la façon dont les autorités françaises traitent les Afghan.e.s qui sont obligé.e.s de fuir leur pays ?
Pour entrer légalement sur le territoire français, il faut d’abord obtenir un visa. Pour les Afghan.e.s, il existe principalement deux types de visa : « asile » et « réunification familiale ». En pratique, seulement trois consulats français peuvent en délivrer : à Téhéran (Iran), Islamabad (Pakistan) et à New Delhi (Inde).
Les personnes concernées doivent se rendre dans ces pays pour déposer leur demande. Mais il faut des mois pour obtenir un simple rendez-vous au consulat ! Juste avant l’été, l’un de mes clients afghans a réussi à avoir un rendez-vous pour… mars 2024. Et encore, il a obtenu une date, ce qui est loin d’être le cas pour tous et toutes.
Comment expliquer de tels délais ?
On ne sait pas. Le service de gestion des rendez-vous est délégué dans le cadre d’un marché public. Ce sont des opérateurs privés (VFS global et AEG) qui attribuent les créneaux via Internet, mais il n’y en a plus de disponibles depuis plusieurs mois. J’imagine (j’espère) que c’est lié à un manque criant de moyens au niveau des consulats pour traiter les demandes.
J’ai pu engager des procédures devant le tribunal administratif de Nantes pour demander que des rendez-vous soient avancés : l’administration affirme qu’il y aurait trop de demandes à traiter, mais ne donne absolument aucun chiffre (ni sur le nombre de demandeurs, ni sur le nombre d’agents).
Donc il faudrait plus de moyens dans les consulats pour que les demandes soient traitées dans des délais raisonnables ?
Oui, d’autant plus que les Afghan.e.s qui ont réussi à se rendre en Iran ou au Pakistan bénéficient d’autorisations de séjour dans ces pays qui sont limitées à deux ou trois mois, éventuellement renouvelables. Passé ce délai, s’ils n’ont pas leur visa pour partir vers la France, ils doivent retourner en Afghanistan puisque l’Iran n’hésite pas à procéder à leur expulsion, même s’il s’agit de jeunes femmes dont on sait qu’elles sont en grand danger en cas de retour.
Une fois qu’un.e Afghan.e parvient à déposer une demande de visa, comment ça se passe ?
Les procédures de délivrance des visas par les autorités françaises sont totalement opaques (tout comme pour les demandes de visa asile des Syriens). On ne sait pas qui examine les demandes de visa, ni les critères retenus. On ne connaît pas le nombre de demandes rejetées, qui ne sont en outre jamais motivées.
Un exemple : je suis l’avocate d’une famille afghane qui a réussi à déposer une demande de visa « réunification familiale ». Le père est en France depuis des années, toute la famille vient d’obtenir un visa pour la France… sauf les deux filles aînées qui viennent d’avoir 19 ans. L’administration française ne voit aucun problème à ce que ces jeunes femmes se retrouvent seules en Afghanistan, à des milliers de kilomètres de leur famille !
Le seul fait d’être une femme en Afghanistan – privée des droits les plus élémentaires pour ce seul motif – ne suffit pas, aux yeux de l’administration française, pour obtenir un visa ?
Absolument. Une ancienne procureure, qui avait requis la peine de mort contre des talibans, a demandé un visa « réunification familiale » pour rejoindre ses deux fils mineurs en France. Cela lui a été refusé, sans examen de cette dimension « asile ».
Sans visa, la seule façon de se rendre en France (ou ailleurs), c’est d’avoir recours aux « passeurs », avec les risques immenses – en particulier pour les femmes – que cela comporte ?
L’impression que cela donne, c’est que la France préfère délivrer un minimum de visas et ne permettre de déposer une demande d’asile qu’à ceux qui ont réussi à survivre sur le chemin de l’exil. Le gouvernement ose ensuite leur reprocher d’être entrés illégalement sur le sol national !
Une fois que les hommes, femmes, enfants qui ont dû quitter l’Afghanistan ont pu obtenir un visa et/ou arriver sur le territoire français, sont-ils assurés de pouvoir rester ?
Pas du tout, malheureusement. Le visa donne juste le droit de se rendre en France légalement, mais ce n’est que le début d’un long parcours pour obtenir l’asile ou le droit au séjour. Devant les caméras, Macron s’émeut de la situation des Afghans, et particulièrement des femmes, mais ne met rien en œuvre pour faciliter leur évacuation et leur accueil.
Ce sera l’objet d’un article à suivre.
Propos recueillis par Nejia Bacha
Extrait du Communiqué n°10 – 27 septembre 2023 du
Comité International de Défense des Femmes Afganes
La douloureuse histoire de Saleema Shabnam, militante du Mouvement spontané des femmes afghanes
“Tu as apporté la honte sur la famille par tes mauvaises actions. Tu nous as déshonorés aux yeux des gens. Tu as mis toute ma famille en danger de mort. Je ne veux plus de toi, vas-t-en où tu veux !”. Ce sont les premiers mots avec lesquels mon mari m’a accueillie après ma libération de prison et mon retour à la maison au bout de 19 jours.
J’ai souvent participé aux manifestations organisées par le Mouvement Spontané des Femmes Afghanes. Le 12 janvier 2023, j’ai été arrêtée à mon domicile par les services de renseignements talibans et transférée à la prison de Polcharkhi à Kaboul.
Mon crime c’était de vouloir “le travail, le pain, l’éducation et la liberté” pour moi et pour les autres femmes. Je ne veux pas que mes enfants grandissent analphabètes et misérables comme moi. Les talibans m’ont battue en prison, m’ont donné des gifles et des coups de bâton sur le dos et les jambes. Ils m’ont menacée de mort et de viol. Ils voulaient me faire capituler pour que je n’ose plus à l’avenir me joindre aux femmes qui protestent et élever la voix.
Dans la société tribale et la culture patriarcale de l’Afghanistan, le fait que des femmes descendent dans la rue en scandant des slogans en faveur des droits et de la liberté, est considéré comme l’expression d’un manque de respect pour les valeurs religieuses et patriarcales. Chaque fois qu’une femme est arrêtée par la police et gardée en prison pendant des jours et des nuits, d’innombrables soupçons pèsent sur sa personnalité et sa chasteté. Par exemple, son mari, sa famille et la société dans son ensemble pensent qu’elle a été agressée sexuellement en prison et qu’elle a été touchée par des personnes non autorisées. Par conséquent, son mari et ses proches ne veulent plus qu’elle fasse partie de la famille.
Alors que j’avais des blessures sur tout le corps et que j’étais très faible, alors que j’avais désespérément besoin de soins et de sympathie de la part de ma famille et surtout de mon mari, non seulement il ne m’a pas serrée dans ses bras et ne m’a pas soutenue, mais il m’a réprimandée et insultée, il m’a fermé la porte de la maison. Je me suis donc rendue chez ma sœur et j’y suis restée quelques jours. Mais très vite, la famille de ma sœur a également refusé de m’héberger. Ils craignaient que les talibans ne l’apprennent et ne leur posent un problème de sécurité à cause de moi.
J’avais le cœur complètement brisé et je ne savais pas auprès de qui et où chercher refuge ? J’étais tourmentée d’un côté par la menace des talibans et de l’autre par les accusations sans fondement de mon mari. Finalement, j’ai réussi à trouver une des militantes du “Mouvement Spontané des Femmes Afghanes” et je lui ai demandé de l’aide. Aujourd’hui, je vis avec mes cinq enfants dans la “maison sécurisée” du MSFA.
Je voudrais dire ici que, tant que je vivrai, je me battrai avec le “Mouvement Spontané des Femmes Afghanes” pour mon droit et le droit d’éduquer mes enfants et je ne m’arrêterai pas. Mais en réalité, vivre dans la clandestinité c’est comme une prison, à tout moment, on risque l’arrestation et la mort. D’une part, la menace des talibans et d’autre part, la menace de mon mari, qui essaie de m’enlever mes enfants par la force.
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Pour l’asile inconditionnel aux militantes menacées et le soutien financier à l’organisation, en Afghanistan, des « maisons de protection » des femmes et des écoles clandestines pour jeunes filles.
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